Lorsqu’une femme montre de l’irritabilité, de la colère, ses comportements sont souvent associés à ses règles, ses hormones. Pourquoi sommes-nous encore trop souvent réduites à la vision d’un cycle menstruel qui décide de nos émotions, qui ne génère que du négatif chez les femmes ? Pour comprendre, j’ai passé en revue les idées reçues qui contribuent grandement à nourrir le tabou des règles. Mais d’abord, un tabou, c’est quoi ?
Le tabou des règles
Le tabou, c’est ni plus ni moins qu’un consensus social de silence. L’approche de notre société vis-à-vis des règles nous donne de bonnes raisons de ne pas les évoquer naturellement. Combien sommes-nous encore à adapter notre vocabulaire pour ne pas avoir à dire le mot « règles » ? À taire notre douleur, notre fatigue durant cette période ?
Même si aujourd’hui, on parle d’avantage des règles, ce tabou persiste encore, si bien qu’on le perçoit comme une évidence : les règles, on n’en parle pas.
Si on en est arrivé la, c’est à cause des croyances erronées ancrées dans notre inconscient collectif depuis des milliers d’années …
1. Les règles c’est sale !
Nombreux sont ceux qui pensent que le sang menstruel est associé à la saleté, l’impureté. À la télévision par exemple, cela ne dérange personne de voir du sang dans un film, pourtant, dès qu’il s’agit d’une pub pour les protections hygiéniques, il faut absolument qu’il soit bleu, sinon cela heurte la sensibilité.
D’ailleurs, le simple terme protection hygiénique est lourd de sens.
En effet, une protection assure contre un risque, un danger. Le mot hygiénique quant à lui, renvoie à la santé du corps.
Ainsi donc, ce sang menstruel serait un danger pour la femme, mais aussi pour la collectivité. D’ailleurs dans certains pays, les femmes qui ont leurs règles sont considérées comme impures et sont soumises à des rites et des interdictions pouvant parfois être dangereux. Aujourd’hui, même si la médecine a démontré que le sang menstruel n’est ni sale, ni dangereux (bien au contraire il est très riche) les idées reçues persistent encore et font perdurer les tabous.
2. La femme est le sexe faible
On connait tous cette histoire. Ève aurait mangé le fruit défendu au jardin d’Éden, et depuis, toutes les femmes de l’humanité sont considérées comme le sexe faible. Que l’on soit croyants ou pas, ce magnifique concept a été nourri pendant des milliers d’années.
Par les philosophes, pour exemple, ce cher Aristote qui déclarait : « la femme est un être incomplet et inférieur ».
Par les penseurs ou encore par la médecine, qui représentait l’anatomie féminine par des croquis peu flatteurs : os petits, moins durs, muscles mous et minces …
Ainsi, l’histoire a largement participé à considérer la faiblesse globale des femmes comme une évidence. Et les menstruations en seraient la preuve. (attention, l’extrait qui suit pique les yeux !)
Au siècle des lumières
Un homme, lorsqu’il verse son sang, c’est pour une noble cause (la guerre par exemple). Alors que chez la femme, le sang des règles démontre leur incontinence, leur impuissance, leur incapacité à conserver ce sang menstruel pour être enceinte *
*tiré de l’ouvrage ” Le fil rouge du sang de la femme ” de Jacqueline Schaeffer
Cela fait lourd sur nos petites épaules, le poids de 10 000 ans d’histoire dont est chargé notre inconscient collectif, valorisant systématiquement l’homme au détriment de la femme.
3. Le langage nourrit le tabou des règles
On oublie trop souvent l’importance des mots. Face à un tabou, on ne nomme pas les règles, on les suggère, par des expressions, des mots de codes :
« j’ai mes ragnagnas », « j’ai mes choses », « je suis indisposée », « les anglais débarquent », « les chutes du Niagara ».
En suédois, ça donne « la fleur rouge honteuse », en anglais c’est « la malédiction » et en chinois « le secret d’un vieil ami ».
Mais pourquoi utilise-t-on ces expressions ? Le simple fait de dire le mot règles, c’est projeter une image mentale qui heurte, qui dérange. Voilà pourquoi on use des métaphores qui ont pour objectif de les rendre abstraites, informes, de les désincarner. Il y a donc bien un malaise sociétal à l’égard des menstruations.
Comment briser le tabou des règles ?
1.Réhabiliter les règles en apprenant à en parler sans tabou
Encourageons-nous les unes les autres à évoquer les règles naturellement. Le vécu des premières règles est déterminant dans l’approche de sa féminité. En enseignant aux adolescentes à accueillir leurs menstruations sans honte, à en parler sans tabou, elles n’auront plus de raisons de considérer leur statut de femme comme contraignant. Dans certains pays, on fête l’arrivée des premières règles par des rituels valorisants et bienveillants.
Or, d’après la psychologue clinicienne Camille Sfez «célébrer ses premières règles, c’est aussi célébrer la femme en devenir, en quelque sorte. C’est une chose qui n’est pas évidente, qui ne vient pas forcément à l’esprit d’une société à l’héritage patriarcal et qui n’a pas pour habitude de célébrer les femmes.-»
2. Vulgariser les connaissances
À quoi servent les menstruations, quelles sont les particularités du fonctionnement physique, émotionnel et énergétique féminin ? Il y a 5 ans encore, je n’en savais rien ! Comme beaucoup, je n’ai pas reçu le mode d’emploi livré avec mes premières règles. Ma vie a changé quand j’ai compris ce qu’il se passait vraiment dans mon corps et que je n’ai plus eu honte.
Faire évoluer les mentalités ne se fait pas en deux jours, c’est le travail de toutes et tous. À nous de jouer pour déconstruire ce tabou.
Et vous, quelles sont les pires remarques que vous avez entendues à propos des règles ?
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